Il s'agit d'une dissertation de droit civil des obligations ayant pour objet d’étude le sujet suivant : « le rôle de la bonne foi en droit des contrats ».
Cette dissertation claire, précise et très structurée (9 pages) s’avèrera fort utile pour de nombreux(ses) étudiant(e)s en droi...
Introduction.
Les divers projets de réforme du droit des contrats (Catala, Chancellerie, Terré) ont mis
au jour deux points principaux de désaccord en doctrine, qui reflètent du reste leshésitations
jurisprudentielles : il s’agit du rôle de la cause et de la consécration de principes directeurs du
contrat. Or, parmi ces principes directeurs, figure, à côté de la liberté contractuelle et de la force
obligatoire, l’exigence de bonne foi. C’est dire que le rôle de la bonne foi en droit des contrats
constitue encore aujourd’hui une pomme de discorde.
Au vrai, les termes mêmes du débat, et donc ceux du sujet, prêtent déjà à controverse.
D’abord, l’expression « bonne foi », qui traduit littéralement la bona fides romaine, est parfois
concurrencée par d’autres vocables tels que « la loyauté ». Ainsi a-t-on pu considérer que les
principes directeurs envisagés traduisaient la nouvelle devise contractuelle : liberté, sécurité,
loyauté. A Rome, la bonne foi résultait de l’inadaptation du formalisme et de l’évolution de la
procédure. Son admission n’était pas non plus étrangère à l’influence grandissante de la
notion philosophique grecque de morale. A son apparition, la bonne foi faisait ainsi figure de
substitut de la sécurité et de la garantie d’exécution précédemment assurées par les formes.
Autrement dit, elle permettait d’assouplir les rigueurs d’un système juridique. Et, on le verra,
cette vertu n’a pas cessé. Ensuite, si l’on s’en tient au vocable « bonne foi », le singulier du
sujet fait problème. En effet, l’expression est polysémique et son usage, par-delà le droit des
contrats, signale une pluralité d’acceptions. Ainsi, la bonne foi visée dans l’usucapion ou dans
la cadre du mariage putatif renvoie à l’ignorance légitime d’un fait : c’est une bonne foi statique,
qui vise simplement à protéger l’ignorant dès lors que cette ignorance n’est pas fautive.
L’ignorant bénéficiera d’une prime à la bonne foi. Il existe aussi une autre acception, plus
dynamique celle-là : être de bonne foi, c’est respecter l’esprit du contrat, ne pas de borner à sa
lettre. Cela implique non un comportement passif mais une éventuelle collaboration,voire
une entraide entre parties. Il ne s’agit plus alors de donner une prime à la bonne foi mais de
sanctionner seulement la mauvaise foi, en quoi le sujet recoupe alors la sanction de l’abus des
prérogatives contractuelles ou l’abus de comportement. Enfin, et les deux sont évidemment liés,
c’est aussi un pluriel qui devrait s’imposer lorsqu’on considère la pluralité des rôles de la bonne
foi en droit des contrats. Il s’agit en effet d’une obligation de comportement qui s’ajoute à
l’obligation économique visée par les parties, comme le suggère nettement la lecture de l’article
1135 du Code civil, et comme l’a très bien démontré le professeur Ancel dans son article Force
obligatoire et contenu obligation du contrat. Le contrat comporte non seulement des obligations
spécifiques mais aussi des devoirs de comportement qui préexistent au contrat : la société, qui
repose sur un contrat social, n’exige- t-elle pas de nous un minimum de bonne foi dans nos
rapports ?
Cependant, et précisément, la difficulté du sujet n’est pas seulement sémantique, elle est
aussi politique. D’une part, la tension ancienne entre le premier et le troisième alinéa de l’article
1134 est bien connue : à trop vouloir moraliser les rapports contractuels, ne va-t-on pas subvertir
la force obligatoire ? Ripert le soulignait dès 1936 dans son célèbre article fustigeant
l’avènement d’un « droit de ne pas payer ses dettes ». La formule a tout aujourd’hui d’une
antienne, répétée notamment dans les divers commentaires du dispositif de lutte contre le
surendettement, qui assure une prime à la bonne foi du débiteur contractuel, lui permettant
même, le cas échéant, de se décharger du fardeau de sa dette au nom d’une justice plus sociale
que contractuelle. D’autre part, la thèse du solidarisme contractuel, inspirée de la vision
organiciste du microcosme contractuel chère à Demogue, cherche à renforcer les rôles de la
bonne foi, mais elle fait débat pour au moins trois raisons. Premièrement, la Cour de cassation
ne l’accueille pas ouvertement, rappelant régulièrement qu’un créancier contractuel, même de
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, mauvaise foi, demeure créancier. Deuxièmement, les frontières de la bonne foi sont sujettes à
des hésitations jurisprudentielles et doctrinales : n’est-ce qu’une « obligationcontractuelle »
ou bien faut-il y voir un devoir de comportement irrigant les rapports desparties avant
comme après le contrat, et sanctionnée à ce titre comme une faute délictuelle ?
Aussi bien convient-il de mettre en perspective le développement nuancé de l’exigence
d’exécution de bonne foi (I) et l’émergence avérée d’un devoir de contracter de bonne foi (II).
I. Le développement nuancé de l’exigence d’exécution de bonne foi
Sur le fondement de l’article 1134 alinéa 3 du Code civil, la jurisprudence a multiplié les
applications de l’exigence d’exécution de bonne foi en sanctionnant les parties de mauvaise
volonté (A) tout en prenant garde de bien circonscrire ses effets (B).
A. Le développement de ses applications
Les applications de l’exigence d’exécution de bonne foi se manifestent soit au nom de
la sanction de la mauvaise foi (1), soit au nom de la sanction de l’abus (2).
1°) Les applications au nom de la sanction de la mauvaise foi
L’exigence d’exécution de bonne foi a reçu de très nombreuses applications, pour les
contrats les plus variés, et elle interfère avec l’ensemble des remèdes à l’inexécution du contrat,
qu’il s’agisse de l’exécution forcée, de la résolution ou de l’exception d’inexécution. Pour ne
retenir que ce dernier exemple, il convient de rappeler qu’une jurisprudence constanteexige que
l’excipiens soit de bonne foi. Il est vrai que l'exercice de ce remède, bien qu'il ne mette pas fin
au contrat, risque de causer de sérieuses difficultés, notamment financières, au débiteur à terme.
Ce dernier peut se trouver dans l'impossibilité d'exécuter ses obligations à l'égard de tiers. La
suspension peut ainsi précipiter son endettement, voire aboutir à l'ouverture d'une procédure
collective à son encontre. Cela ne signifie pas pour autant que l'exercice de l'exception pour
risque d'inexécution soit systématiquement constitutif d'uncomportement contraire à la bonne
foi. Lorsque cela se vérifie, l'excipiens est sanctionné comme l'est toute personne qui agit de
mauvaise foi dans l’exécution du contrat. L'exercice del'exception d'inexécution lui est fermé
et le juge de l'urgence n'accordera pas la suspension.
La Cour de cassation donne du reste toute sa mesure à l’exigence de bonne foi en ne la
limitant pas à l’analyse du comportement du créancier. En effet, dans un arrêt de la première
chambre civile du 22 mai 1996, l'exigence posée par l'article 1134, alinéa 3 du Code civil est
envisagée par les magistrats dans une perspective assez inhabituelle. Il ne s'agit pas deprévenir,
de contrôler ou de sanctionner une quelconque déloyauté de la part du créanciermais de
rappeler le débiteur à son premier devoir de contractant : c'est-à-dire régler sa dette. D’après la
Cour de cassation, exécuter le contrat de bonne foi exige que la partie qui se sait débitrice
signale à son cocontractant l'erreur qu'il commet en omettant de réclamer son dû. À défaut de
se comporter ainsi, le débiteur supporte les conséquences de sa déloyauté et ne peut échapper
au paiement immédiat des créances non encore prescrites.
La Cour de cassation condamne ainsi sans détour le libéralisme excessif dont
prétendraient bénéficier le débiteur comme le créancier. Cela se vérifie aussi sur le terrain de
l’abus.
2°) Les applications au nom de la sanction de l’abus
En effet, l’exigence de bonne foi dans l’exécution se manifeste également à travers la
sanction de l’abus.
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