Introduction à la philosophie du droit
Objectifs du cours
1. Culture générale en philosophie
2. Outils conceptuels
3. Comprendre le monde dans lequel nous vivons
Ce cours s’inscrit dans le courant qu’est la théorie critique, étude de la société en général
à travers le prisme des structures de pouvoir ce qui suppose de remettre en question ce
qui nous parait naturel dans la société. Cela implique un savoir théorique et conceptuel
important, par opposition aux théories du complot qui ne sont fondées sur rien de
tangible.
Méthode d’enseignement
Il s’agit d’un cours oral, la prise de notes est donc primordiale.
Il y a cependant deux supports importants : d’une part, le PowerPoint qui contient les
informations brutes mais non pas la structure ni l’argumentation, et d’autre part
l’enregistrement du cours sur le Blackboard Collaborate.
L’ouvrage De l’homme et du citoyen n’est pas obligatoire, il est certes utile mais obsolète.
Modalités d’évaluation
A priori, il s’agit d’un examen écrit en présentiel.
Des répétitions sont organisées et dispensées par une élève monitrice; en outre, une liste
exhaustive des questions d’examen potentielles sera donnée.
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,PARTIE 1 : COMPRENDRE LES SOCIETES HUMAINES
Chapitre 1 : Définition de la philosophie
Il est impossible d’entrée de jeu de donner des définitions, car il ne s’agit pas d’une
discipline scientifique comme les autres. En effet, ce qui définit habituellement une
discipline scientifique est son objet, son domaine, son champ du réel.
Exemple : psychologie = comportements ; biologie = le vivant ; droit (science juridique) =
droit positif ; …
Mais quel est l’objet de la philosophie ? C’est là que réside précisément le problème.
Étymologie : vient du grec philosophia
philo = aimer, désirer, rechercher
sophia = sagesse
Le philosophe est donc l’ami de la sagesse et la philosophie l’amour de la sagesse.
Or, la sagesse est une qualité morale, et non pas un champ du réel. La sagesse est la
capacité d’être plus épanoui et authentique grâce à la distance que l’on prend avec les
événements rencontrés ( « Prendre les choses avec philosophie »). La sagesse n’est dont
pas un objet.
De plus, le philosophe ne détient pas de vérité, il la cherche.
La philosophie n’est donc pas un savoir, une vérité qu’un maitre pourrait transmettre à un
disciple : il s’agit plutôt d’une démarche, d’une dynamique, pour se transformer soi-
même.
En conclusion, un philosophe peut s’intéresser à n’importe quel objet du réel ou de la
société (droit, politique, histoire, mathématiques, art,…) car la philosophie n’a pas d’objet
propre.
Ainsi, qu’est-ce qui distingue le savant du philosophe ?
Ils ont certes des points communs, tels que l’objectivité, la distance critique, le souci de
rendre compte de la complexité du réel, l’aspect scientifique, …
Cependant, le philosophe, critique l’objet en tant que tel, l’interroge, contrairement au
scientifique attaché spécialement à cet objet. Il s’intéresse à la façon dont l’objet a été
construit, découpé, défini.
Le savant accepte généralement les contours de son objet, il ne se pose pas pleins de
questions relativement à la définition de sa discipline.
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,Exemples concrets :
1) Droit = ensemble de normes qui régissent les relations entre les membres d’une
société
—> Philosophe : au regard de cette définition, la mafia pourrait-elle correspondre à du
droit ?
2) Politique = ce qui st relatif à l’organisation et à l’exercice du pouvoir dans la société
—>Philosophe : la guerre est-elle une modalité de la politique ou une sortie de la
politique?
« La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », définition normative
de Karl von Clausewitz, De la guerre (1832). Il s’agit ici d’un point de vue, pas d’une
vérité.
Généralement, les juristes et politologues acceptent ce cadre et s’intéressent à des
questions plus spécifiques, des objets plus spécifiques.
Au contraire, le philosophe interroge l’objet lui-même, ainsi que sa définition. Il remonte
donc pour ce faire jusqu’aux fondements et postulats de la pensée.
Toute science et toute pensée repose sur des postulats qui sont indémontrables mais qui
forment la base de toute démonstration scientifique. Le philosophe interroge justement
ces postulats et se positionne ensuite relativement à ces derniers. Il se pose une série de
question que en se pose généralement pas le savant.
Toutefois, il arrive aux savants d’interroger leur discipline et se font ainsi philosophes.
Exemples : Kelsen (juriste), Weber (sociologue), Freud (psychologue), Lévi-Strauss
(anthropologue) sont aussi de véritables philosophes car ils se posent des questions de
fonds qui remontent jusqu’aux postulats et présupposés.
Ainsi, la définition de la philosophie n’est pas fermée : on peut très bien être philosophe
sans avoir fait des études de philosophies et un philosophe peut travailler de façon très
spécialisée, ce qui est de plus en plus le cas de nos jours.
Auparavant, de l’antiquité jusqu’au Siècle des Lumières, un philosophe était en fait un
généraliste. Il maitrisait normalement la totalité du savoir (Platon, Aristote). A partir de la
fin du 18e siècle -19e, cela devient impossible car le savoir se démultiplie et se spécialise.
A partir du 19e, la philosophie est devenue une discipline universitaire à part entière.
Définition possible de la philosophie : « Mais qu’est-ce que la philosophie aujourd’hui si
elle n’est pas le travail critique de la pensée sur elle-même ? Et si elle ne consiste pas, au
lieu de légitimer ce qu’on sait déjà, à entreprendre de savoir comment et jusqu’où il serait
possible de penser autrement ? ».
M. Foucault, L’usage des plaisirs, Gallimard, 1984, p.14.
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, La philosophie provoque parfois des réactions d’hostilité à son égard. En Belgique en
particulier, il y a une culture de mépris envers les théories, les concepts, l’abstrait.
On fait plutôt l’éloge du pratique, du concret.
Tout d’abord, « Rien n’est plus pratique qu’une bonne théorie »d’après Einstein et/ou Kurt
Lewin (1920)
Ensuite, « Les philosophes ont seulement interprété le monde de différentes manières, ce
qui importe, c’est de le transformer » Karl Marx, Thèses sur Feuerbach (XIe thèse) : les
philosophes font donc aussi l’éloge de la pratique, ils ne sont pas contre.
L’hostilité envers la philosophie peut s’exliquer par le fait que l’on interroge les
fondements, ce qui embête et que leur démarche est considérée comme étant trop
abstraite.
D’autre part, elle suscite aussi une certaine attraction, fascination, elle ne laisse jamais
indifférent. On attend beaucoup de la philosophie : distance, compréhension du monde,
d’où le succès médiatique de certains philosophes (Michel Onfray,, Bernard-Henri Lévy,
Raphael Enthoven, Raphaël Glucksmann).
En fait, plus que des philosophes, ces derniers sont plutôt des essayistes : ils proposent
des réponses et pensées toutes faites et leurs démarches sont en réalité fort peu
philosophiques.
Exemples de philosophes à proprement parler : Etienne Balibar, Violence et civilité (2012)
et Nancy Fraser, Capitalism. A conversation in Critical Theory (2018)
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