INTRODUCTION AU DROIT PUBLIC
Chapitre 1 : Observations liminaires
Section I - Le droit : l’ensemble des normes juridiques
Le droit peut être défini comme l’ensemble des normes juridiques.
Cette définition nous amène à nous interroger sur ce qu’est une norme juridique.
Pour répondre à cette question, nous pouvons nous référer aux travaux du juriste
autrichien Hans Kelsen (1881-1973) et notamment à son maitre ouvrage, La théorie pure
du droit.
Précisons tout d’abord que :
• Norme juridique
• Norme de droit
• Règle juridique
• Règle de droit sont des synonymes.
Selon Kelsen, « une norme juridique est la signification d’un acte par lequel une conduite
est ou prescrite, ou permise et en particulier habilitée ».
Le contenu d’une norme peut donc être de deux ordres :
• Créer une obligation
L’obligation peut être :
- Positive : le destinataire de la norme est obligé de faire une chose
- Négative : le destinataire est obligé de ne pas faire une chose = interdiction
En y regardant d’un peu plus près, ces deux types d’obligations sont tout de même assez
proches.
En effet, dans une obligation de non facere, on est obligé de faire le contraire de ce qui
est interdit. Exemple : obligation de ne pas rentrer des déclarations frauduleuses au fisc =
obligation d’introduire des déclarations exactes.
La différence conceptuellement n’est donc pas si fondamentale que ça.
• Créer un permission, une autorisation
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,Section II - Les notions d’ordre juridique, d’acte de contrainte et d’ordre de
contrainte
1. La notion d’ordre juridique
Un ordre juridique est un ensemble ordonné de normes de droit applicables à l’égard
d’un groupe clairement identifié de destinataires ; un système de normes.
Ainsi, l’ordre juridique belge est l’ensemble ordonné de normes applicables en Belgique.
Exemples : ordre juridique belge, ordre juridique français, ordre juridique des Etats-unis
2. La notion d’acte de contrainte
Que se passe-t-il si une personne ne respecte pas les normes en vigueur en Belgique ?
En cas de violation d’une norme, intervient une autre notion qu’est l’acte de contrainte.
La personne qui est le destinataire d’une norme et transgresse le contenu de la norme
s’expose à un acte de contrainte.
Kelsen définit un acte de contrainte comme étant « un mal qui doit être infligé à celui qui
l’atteindra, même contre son gré et si besoin en est en employant de la force physique ».
Donc l’Etat, l’ordre juridique belge, en cas de transgression, va tenter d’imposer une série
de contraintes à l’encontre du destinataire de la norme qui a transgressé cette dernière.
Cette contrainte est perçue comme des maux pour celui auquel elle est imposée.
Ce mal peut prendre différentes formes telles que :
• Retrait de la vie = peine capitale
• Retrait de la liberté
• Retrait de liens économiques (amende, confiscation)
On peut admettre que normalement les actes de contrainte qui jouent le rôle de sanction
sont ressentis par leur sujet passif comme des maux.
On peut imaginer d’autres maux, qui varient en fonction de l’ordre juridique dans lequel
on se trouve.
Un ordre juridique qui impose ces actes de contrainte peut être donc aussi appelé ordre
de contrainte.
Kelsen dit ceci : « le droit est un ordre de contrainte ». En affirmant que le droit est un
ordre de contrainte, on entend dire que ces normes statuent des actes de contrainte
attribuables à la collectivité juridique et sont ressentis comme des sanctions par ceux qui
les atteignent.
Cette contrainte n’a à intervenir que lorsqu’une résistance est opposée à l’exécution de
ces normes, ce qui normalement n’est pas le cas ».
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,Ce n’est pas parce que il y a eu transgression d’une norme qu’un acte de contrainte sera
opposé. La transgression de la norme implique la possibilité pour l’Etat d’imposer l’acte
de contrainte, mais celui-ci n’y parvient pas nécessairement.
Dans la langue française, il existe deux mots distincts : punissable >< puni.
Il n’y a donc pas d’automaticité : il importe de distinguer la potentialité de l’imposition
réelle.
Il y a plusieurs facteurs qui font qu’une transgression n’est pas forcément punie :
- aucune plainte déposée
- absence d’élucidation
- …
Dans un ordre juridique fonctionnant de manière optimale, les règles sont en général
respectées.
Toutes les règles de l’état ne sont pas toujours respectées ; il existe même des règles qui
sont majoritairement transgressées mais celles-ci représentent une minorité.
Exemple : zone 30 à 2h du matin (taux de transgression probablement supérieur à 50%)
Si ce type de normes pour lesquelles le taux de transgression est supérieur au taux de
respect représente la grande majorité des normes de l’ordre juridique, alors on bascule
dans la question de savoir si la structure à laquelle on a à faire est encore une structure
étatique car elle n’est plus capable d’assurer une adhésion majoritaire à la majorité de ses
normes.
3. La notion d’ordre de contrainte
Au vu de l’enseignement retiré des points 1 et 2, on peut affirmer que dès lors que les
règles juridiques sont agencées de manière ordonnée pour former un système et que le
non-respect d’une norme juridique par son destinataire est susceptible d’entrainer dans
son chef l’imposition d’un mal, les différentes règles de droit qui sont rassemblées au sien
de ce système forment ensemble un ordre de contrainte.
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, 4. Les limites logiques au contenu des normes juridiques
Le droit pourrait-il ériger en interdiction ou obligation tout comportement généralement
quelconque ? Y’a-t-il des limites logiques au contenu des normes juridiques ?
Pour répondre à cette question, il faut partir du postulat de base qui est que le droit a une
finalité. Cette finalité est de régler la conduite des êtres humains en assortissant la
transgression des règles d’un acte de contrainte.
Au vu de cette finalité, il existe des limites logiques au contenu d’une règle juridique.
• la norme juridique érigerait en obligation une chose impossible à accomplir : l’incidence
de cette règle sur le comportement humaine serait nulle (taux de transgression de
100%). Exemple : obligation de marcher sur l’eau
• la norme érige une obligation de toute façon impossible à transgresser : encore une
fois, son incidence sur le comportement serait nulle (taux de transgression 0%).
Exemple : obligation d’avoir annuellement son anniversaire, obligation de vieillir
On passe dans le domaine du droit lorsque l’on passe de 100% à 99% au niveau du taux
de transgression ou du taux de respect.
Une règle juridique peut être très facile à respecter mais néanmoins possible à
transgresser, ainsi que très difficile à respecter mais néanmoins possible (art.4, in fine
Constitution).
5. Evolution du caractère juridique d’une règle dans le temps
Le facteur temps peut avoir une influence sur le caractère juridique d’une règle.
Exemple :
18e siècle : panneau interdiction de rouler à plus de 90 km/h
A cette époque, cela n’était pas une norme juridique à l’époque car cela était de toute
façon impossible d’atteindre une telle vitesse (taux de respect de 100%).
Aujourd’hui, le même prescrit normatif a valeur juridique car la transgression est devenue
possible.
Un même énoncé, selon l’époque, peut devenir juridique, et inversement.
Exemple :
Une norme juridique érige l’interdiction de l’abattage d’un animal en voie d’extinction.
Cette norme n’est juridique que tant qu’il existe des individus de cette espèce animale.
Une fois disparu, la transgression de la norme devient impossible et la règle perd donc
son caractère juridique (taux de respect de 100%).
Le droit suppose donc que la transgression de ses règles soit possible.
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